Sortir du discours capitaliste


Extrait Edito (Fabian Fajnwaks)

« Le discours du capitaliste ne veut rien savoir de la castration, il forclôt les choses de l’amour », nous dit Lacan dans Je parle aux murs. Cette aversion pour la perte le pousse à faire circuler entre les quatre termes de son architecture ce qui vient à la place : la jouissance, et à ravaler l’amour au rang des marchandises franchisées. Pour la psychanalyse, l’amour occupe une toute autre place, celle d’un levier via le transfert, qui permet à chacun de savoir quelque chose de cette part maudite qui l’habite et le pousse à se brancher sur ce circuit : et ça, ce n’est pas rien… comme disait Lacan. C’est inoculer la « pst » [2] vers laquelle Lacan nous guide pour que chacun entende comment il jouit du sens.

Comment sortir de ce discours « drôlement astucieux », qui constitue une variante du discours du maître dans lequel l’impossibilité qui fait barrière à la jouissance disparaît, au profit d’un circuit qui produit un plus-de-jouir ?
Il n’est pas sûr que ce circuit constitue à proprement parler un discours, au sens que Lacan donne à ce terme ; mais du fait de ce circuit, chacun des quatre autres discours se trouve aujourd’hui relégué au statut de semblant, dénudant une pente au retour du discours du maître en politique et à l’alliance de plus en plus intime du discours universitaire avec l’idéologie néolibérale.



C’est du côté du rapport au plus-de-jouir qu’une sortie se dessine, car la voie que Lacan indique est celle du saint qui, contrairement au capitaliste qui l’accumule, décharite la jouissance – néologisme qui résonne avec charité et déchet dont il se fait semblant. Ce plus-de-jouir désigne la dépense improductive et la dimension anti-utilitariste au cœur du symptôme dont une cure vise l’extraction jusqu’au noyau irréductible du sinthome. La sortie se fait donc par consumation de ce qui cherche à se consommer dans la satisfaction paradoxale du symptôme. C’est cette satisfaction que le circuit du capitalisme exploite, car le lien qui lie le sujet à l’objet plus-de-jouir et s’appuie sur le fantasme fondamental de chacun n’y rencontre aucune barrière.

Ce numéro de La Cause du désir, conçu pendant la pandémie qui a modifié notre manière de vivre, s’intéresse à ce que nous pouvons apprendre de ce nouveau réel et revient sur les choses de l’amour que le discours du capitaliste forclôt tout en cherchant à les confisquer ; il ouvre aussi des fenêtres à une conversation entre un psychanalyste et des économistes, à ce qui s’entend et ce qui s’écrit en Chine, aux subversions du capitalisme que l’art propose, et ouvre ses fenêtres sur d’étonnantes photographies.

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